La Dolce Vita

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Date de l'événement:
05.02.1960
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La dolce vita, sorti initialement en France sous le titre La Douceur de vivre, est un film italo-français réalisé par Federico Fellini et sorti en 1960. Le film a obtenu la Palme d'or au 13e Festival de Cannes, ainsi que l'Oscar des meilleurs costumes de 1962.

Construit comme une succession de petits épisodes, La dolce vita suit Marcello Rubini, un journaliste de presse people, au fil d'une semaine de vie mondaine à Rome dans une recherche infructueuse de l'amour et du bonheur. Ce film marque un tournant dans la filmographie de Federico Fellini, faisant suite à trois films proches du néoréalisme : La strada (1954), Il bidone (1955) et Les Nuits de Cabiria (Le notti di Cabiria) (1957). Il inaugure le vocabulaire cinématographique personnel qui deviendra définitivement la marque de fabrique « fellinienne » des films de la maturité.

Aujourd'hui considéré comme un classique du cinéma italien et du cinéma en général, il a pourtant été accueilli par le scandale à sa sortie pour sa description d'une société oisive et débauchée.

Synopsis

La dolce vita est composée d'une série d'épisodes en apparence déconnectés. La structure du scénario n'est pas sans rappeler celle des films à sketches chers au cinéma italien et auxquels Fellini a lui-même eu recours plusieurs fois. Situé à Rome en 1959, le film suit, sur ce mode apparemment décousu, les pérégrinations de Marcello Rubini (joué par Marcello Mastroianni), un jeune provincial aux aspirations littéraires, devenu chroniqueur dans un journal à sensations.

L'analyse usuelle du scénario le découpe en un prologue, sept épisodes principaux interrompus par un intermède, et un épilogue, ce qui lui confère une structure fortement symétrique. La longueur du film empêche souvent d'en percevoir, lors de la première vision, le caractère extrêmement structuré. À travers des tableaux connectés par la présence de Marcello et de quelques autres personnages-clés, Fellini explore l'intimité, dans le cadre plus large d'une société en mutation, la société italienne du miracle économique d'après-guerre.

Les épisodes présentent chacun une voie qui s'offre à Marcello. Ces voies étant toutes sans issue, à la fin Marcello reste seul, comme tout héros fellinien.

Prologue - Marcello

Séquence de jour — La première scène présente un hélicoptère transportant une statue du Christ au-dessus d'un ancien aqueduc romain, tandis qu'un second hélicoptère de presse le suit dans le ciel de la ville. Ce dernier est momentanément retardé par un groupe de jeunes femmes en bikini qui prennent un bain de soleil sur le toit d'un immeuble élevé. Marcello mime alors des numéros de téléphone, mais ne réussit pas à se faire comprendre et hausse les épaules avant de continuer son chemin en suivant le premier hélicoptère au-dessus de la place Saint-Pierre.

Épisodes 1 à 4

Épisode 1 - Maddalena

Séquence de nuit — Dans un night-club select, Marcello est pris à partie par un homme célèbre photographié contre sa volonté. Il rencontre Maddalena (jouée par Anouk Aimée), une femme désœuvrée de la grande bourgeoisie qui, fatiguée de Rome, cherche constamment de nouvelles sensations. Marcello lui explique qu'il trouve que la capitale italienne lui convient, car elle est comme « une jungle où il pourrait se cacher ». Alors qu'ils se promènent en voiture dans la Cadillac de Maddalena, ils décident de raccompagner une prostituée chez elle, en banlieue romaine, et en échange se font prêter sa chambre pour y faire l'amour.

Séquence à l'aube — Après cette nuit avec Maddalena, Marcello Rubini retourne à son appartement, où il se rend compte que sa fiancée, Emma (Yvonne Furneaux), a fait une tentative de suicide. Sur le chemin de l'hôpital, puis en salle de réanimation, il lui déclare son amour éternel, alors qu'elle est encore à demi-inconsciente. En attendant qu'elle se remette, il téléphone à son amante bourgeoise.

Épisode 2 - Sylvia

Séquence de jour — Marcello couvre l'arrivée à l'aéroport de Sylvia Rank (Anita Ekberg), une célèbre actrice internationale, qui est assaillie par une meute de journalistes. Pendant la conférence de presse de Sylvia, Marcello appelle chez lui pour s'assurer que sa fiancée Emma va bien, et il lui promet qu'il n'est pas seul avec la célèbre actrice. C'est à ce moment que le petit ami de Sylvia, Robert (Lex Barker), entre dans la pièce, complètement ivre. Après la conférence, Sylvia visite, pleine d' énergie, la coupole de la basilique Saint-Pierre, semant les photographes qui la suivent, mais fatigués par la montée rapide des escaliers. Marcello finit par se retrouver seul avec elle, à admirer le Vatican depuis le sommet de l'édifice.

Séquence de nuit — Marcello danse avec Sylvia dans un night-club à ciel ouvert. Robert reste à l'écart, dessinant et discutant autour d'une table, mais il fait plusieurs remarques déplaisantes à sa petite amie, ce qui conduit cette dernière à quitter le groupe, suivie avidement par Marcello et par ses collègues photographes. Prenant l'actrice à bord de sa voiture, Marcello réussit à se trouver de nouveau seul avec Sylvia. Il cherche vainement un lieu tranquille pour s'y réfugier avec elle, mais ils finissent par errer dans les ruelles de Rome. Trouvant un chaton abandonné en pleine nuit, Sylvia envoie Marcello lui chercher du lait. Lorsque celui-ci revient, il retrouve l'actrice qui s'est avancée toute habillée dans la fontaine de Trevi, et il finit par l'y rejoindre. Marcello hésite à embrasser Sylvia, mais il est alors stoppé par la coupure soudaine de l'arrivée de l'eau qui se versait dans le bassin.

Séquence à l'aube — Au petit jour, Marcello raccompagne enfin Sylvia à son hôtel. Malheureusement pour eux, ils tombent sur Robert, qui les attend dans sa voiture. Jaloux et pris d'une crise de colère, il gifle sa compagne et frappe également Marcello, en présence de plusieurs photographes, qui vont immortaliser l'incident.

Épisode 3a - Steiner

Séquence de jour — Dans une église, Marcello retrouve un ami intellectuel et distingué, Steiner (Alain Cuny), qui lui montre son livre de grammaire du sanskrit. Le spectateur comprend alors qu'il a connu Marcello en d'autres temps, à un moment où celui-ci avait des ambitions littéraires, avant de se fourvoyer dans le journalisme à sensation. Steiner joue ensuite à l'orgue la toccata de Bach.

Épisode 4 - Les deux enfants

Séquence de jour — Marcello, son ami le photographe Paparazzo (Walter Santesso) et Emma se rendent en périphérie de Rome pour un reportage sur deux enfants qui ont prétendument vu la Vierge Marie. Bien que l'Église soit officiellement sceptique, une foule de dévots, de curieux, de reporters et de carabiniers se rassemble sur le site. Au fil des interviews, la famille des enfants se révèle peu scrupuleuse.

Séquence de nuit — L’évènement est diffusé à la radio et à la télévision italiennes, alors que des malades incurables sont étendus sur des civières à même le sol à l'endroit de la supposée apparition mariale. La foule suit aveuglément les deux enfants qui prétendent voir la Vierge à droite et à gauche. Alors qu'une forte pluie s'abat sur les lieux, les enfants finissent par se retirer, et la foule dépouille un arbre qui aurait soi-disant abrité la Madone.

Séquence à l'aube — Après la forte montée de ferveur religieuse, le jour se lève sur l'escroquerie et la détresse des croyants trompés. Les dernières personnes restantes veillent le corps d'un des malades, qui est mort pendant la nuit.

Épisode 3b - Steiner

Séquence de nuit : Marcello et sa fiancée Emma assistent à un débat de salon littéraire, dans la luxueuse maison de Steiner. Un groupe d'intellectuels y déclame de la poésie, joue de la guitare, philosophe et écoute des sons de la nature sur un magnétophone. Sur la terrasse, le journaliste confesse à son ami son admiration pour ce qu'il représente, mais Steiner admet qu'il est déchiré entre ce qu'offre la vie matérielle et une vie plus spirituelle, qui aurait le désavantage d'être moins sûre. Il évoque le besoin d'amour, et exprime sa peur de ce que ses enfants devront affronter un jour.

Intermède - Paola

Séquence de jour — Retiré dans un petit restaurant de plage du littoral romain, Marcello essaye de reprendre l'écriture après une dispute téléphonique avec Emma. Le va-et-vient de la très jeune serveuse Paola (Valeria Ciangottini) le distrait et l'empêche de continuer. Elle lui demande de lui apprendre à taper à la machine.

Épisodes 5 à 7

Épisode 5 - Le père de Marcello

Séquence de nuit — Marcello rencontre sur la via Veneto son père (Annibale Ninchi), qui est venu visiter Rome. Avec Paparazzo, ils vont au club Cha-Cha-Cha, où Marcello présente à son père Fanny (Magali Noël), une danseuse française, avec laquelle ce dernier commence à flirter, comme si c'était lui le jeune homme.

Séquence à l'aube — À l'appartement de Fanny, le père de Marcello a un léger malaise. Marcello voudrait que son père reste à Rome, pour qu'il puisse se remettre et lui donner l'occasion de mieux le connaître, mais celui-ci insiste pour repartir par le premier train.

Épisode 6 - Les aristocrates

Séquence de nuit — Marcello, la chanteuse Nico et d'autres amis rencontrés sur la via Veneto se rendent à un château hors de Rome, où une fête bat déjà son plein. Marcello y retrouve Maddalena. Ils explorent une maison en ruines annexée au château. Maddalena et Marcello, assis à distance dans deux pièces différentes, se parlent au moyen d'un système d'échos. Maddalena lui demande de l'épouser, tout en avouant qu'elle aimerait aussi continuer à profiter d'autres hommes, mais alors que Marcello lui déclare son amour, un autre homme est déjà en train de l'embrasser et elle ne répond plus. Alors que Marcello la cherche, il se fait entraîner par le groupe, qui s'en va explorer les jardins et les bâtiments, à la recherche de fantômes.

Séquence à l'aube — Épuisé, le groupe revient au château en croisant ceux qui se rendent à la messe.

Épisode 3c - Steiner

Séquence de nuit — Sur une route, de nuit, Marcello et Emma se disputent dans une voiture à l'arrêt. Elle s'en va, il la convainc de revenir, mais ils continuent leur dispute, et il la chasse, avant de partir en voiture. Il revient la chercher à l'aube.

Séquence à l'aube — Marcello et Emma sont enlacés au lit. Marcello reçoit un appel téléphonique. Il se rue à l'appartement de Steiner, où il apprend que ce dernier s'est suicidé après avoir tué ses deux enfants.

Séquence de jour — Après avoir répondu aux questions de la police, Marcello et le commissaire vont à la rencontre de la femme de Steiner, évitant de lui annoncer l'horrible nouvelle devant les paparazzis qui l'assaillent.

Épisode 7 - Nadia

Cet épisode, à l'époque où est sortie La dolce vita, était qualifié d'« orgie ». De nos jours, il passerait plutôt pour une soirée agitée.

Séquence de nuit — Marcello et un groupe de fêtards investissent une villa au bord de la mer, propriété de Riccardo (Riccardo Garrone), un ami de Marcello, qui en est absent. Pour célébrer son récent divorce d'avec Riccardo, Nadia (Nadia Gray) entame un striptease. Alors qu'elle est sur le point d'ôter son dernier vêtement, Riccardo arrive dans sa villa, et tente de mettre tout le monde dehors. Marcello, ivre, provoque et insulte les autres participants.

monstre marin

Séquence à l'aube — Partant de la villa à l'aube, les noctambules se retrouvent sur la plage, où des pêcheurs hissent un filet qui contient un énorme poisson mort.

Séquence de jour — Après avoir contemplé longuement l'œil glauque du monstre, Marcello entend une voix l'appeler. C'est Paola, la jeune fille du restaurant voisin qui l'interpelle. Séparé d'elle par l'embouchure d'une petite rivière, Marcello ne peut comprendre ce qu'elle dit : elle réitère, à l'aide de gestes, sa demande de lui apprendre à taper à la machine. Marcello finit par lui tourner le dos pour rejoindre le groupe des fêtards. Le film se termine sur un gros plan du visage de la jeune fille, qui, après avoir fait un dernier signe à Marcello, tourne lentement sa tête vers la caméra avec un sourire énigmatique.

Fiche technique

  • Titre original : La dolce vita (titre de travail : Via Veneto)
  • Titre français : La dolce vita ou La Douceur de vivre
  • Réalisateur : Federico Fellini, assisté de Dominique Delouche et Gianfranco Mingozzi
  • Scénario : Federico Fellini, Tullio Pinelli, Ennio Flaiano, Brunello Rondi, Pier Paolo Pasolini (non crédité)
  • Décors et costumes : Piero Gherardi
  • Photographie : Otello Martelli, assisté d'Ennio Guarnieri et Arturo Zavattini
  • Son : Agostino Moretti, Oscar Di Santo
  • Montage : Leo Catozzo
  • Musique : Nino Rota
  • Affiche pour la France : Yves Thos
  • Production : Giuseppe Amato, Angelo Rizzoli
  • Sociétés de production :
    • Italie : Riama Film
    • France : Pathé Consortium Cinéma, Gray-Film
  • Sociétés de distribution :
    • Italie : Cineriz (sortie initiale)
    • France : Pathé Consortium Cinéma (sortie initiale)
    • Autres : Columbia Pictures, American International Pictures
  • Pays d’origine : Drapeau de la France France, Drapeau de l'Italie Italie
  • Tournage : du 16 mars 1959 au 27 août 1959
  • Langues originales : italien, anglais, français, allemand
  • Format : noir et blanc - 35 mm - 2,35:1 (Totalscope) — son mono (Western Electric)
  • Genre : chronique dramatique
  • Durée : 174 minutes
  • Dates de sortie :
    • Italie : 5 février 1960
    • France : 11 mai 1960 (Festival de Cannes et sortie nationale concomitante)

Distribution

  • Marcello Mastroianni (VF : Roland Ménard) : Marcello Rubini
  • Anita Ekberg : Sylvia
  • Anouk Aimée : Maddalena
  • Yvonne Furneaux (VF : Jacqueline Ferrière) : Emma
  • Magali Noël : Fanny
  • Alain Cuny : Steiner
  • Annibale Ninchi (VF : Richard Francœur) : le père de Marcello
  • Walter Santesso : le paparazzo
  • Valeria Ciangottini : Paola
  • Lex Barker : Robert
  • Riccardo Garrone (VF : Jean Claudio) : Riccardo
  • Nadia Gray : Nadia
  • Polidor : le clown
  • Adriano Celentano : le chanteur de rock
  • Cesare Miceli Picardi : l'homme irrité au night-club
  • Rina Franchetti : la mère des miraculés
  • Giulio Girola : commissaire Lucenti
  • Renée Longarini : madame Steiner
  • Franca Pasut : la fille couverte de plumes
  • Giò Stajano : Pierone
  • Nico Otzak : elle-même
  • Dominot : danseur travesti
  • Archie Savage : un danseur noir
  • Alfredo Rizzo : le réalisateur de télévision
  • Gloria Jones : Gloria
  • Giulio Questi : Don Giulio Mascalchi

Contexte

La dolce vita s'inscrit par bien des aspects dans son époque. Film de transition dans la carrière de Fellini, c'est aussi le film d'une époque-charnière, entre l'après-guerre et l'ouverture à d'autres modes de vie. Le contexte social est celui du boom économique, le contexte politique est celui du poids de la Démocratie Chrétienne, et le contexte culturel au cinéma est celui de la fin du néoréalisme.

Le miracle économique italien

À la fin des années 1950, la croissance économique déplace les préoccupations des Italiens, de la survie vers les plaisirs immédiats. La consommation se développe, c'est la fin des privations. Rome devient le centre de l'exhibition du mode de vie bourgeois6. Le traité de Rome de 1957 scelle la paix retrouvée et constitue le début de l'intégration européenne. Les jeux olympiques de Rome marquent alors le retour de l'Italie sur la scène internationale.

Rome devient aussi un second Hollywood, un « Hollywood sur Tibre », car les coûts de production des films sont plus bas à Cinecittà qu'aux États-Unis, ce qui fait que les coproductions italo-américaines se multiplient, et que la via Veneto est de plus en plus fréquentée par les vedettes américaines. Les frasques de la société mondaine, dans le monde des cafés et des cabarets, et dans cette nouvelle Babylone, sont scrutées par des journalistes, que l'on ne nomme pas encore paparazzis.

Les films de la veine néoréaliste racontaient l'après-guerre de la misère, par exemple Fellini avec sa description du monde minable des arnaques dans Il bidone, ou Luchino Visconti, avec ses personnages de vagabond et de femme qui se prostitue à son mari dans Les Amants diaboliques (Ossessione). On parle ensuite de « néoréalisme rose » pour la veine qui décrit toujours la réalité sociale, mais cette fois de façon plus souriante.

La censure

Le cinéma italien, c'est aussi une longue histoire de cache-cache avec la censure. En 1910, le ministre de l'intérieur peut déjà interdire des films. La loi fasciste du 24 octobre 1923 sera reconduite, à quelques nuances près, en contradiction avec les principes de la constitution républicaine de 1948.

À la fin des années 1950, l'influence du Vatican se fait toujours sentir, malgré l'article 7 de la nouvelle constitution italienne d'après-guerre, qui proclame la séparation de l'Église et de l'État, et l' qui consacre la liberté de la presse.

Le président du Conseil, Giulio Andreotti, joue un rôle ambigu. D'un côté, il soutient une politique de coproductions ambitieuses avec d'autres pays (la France en particulier), la distribution des films italiens, et des manifestations culturelles comme la Mostra de Venise : en 1955, l'industrie italienne du cinéma est la seconde au monde derrière les États-Unis. D'un autre côté, à travers censures, boycotts de films, établissement de listes noires de cinéastes de gauche, il agit sur les contenus. La Démocratie chrétienne organise des campagnes de presse. Fellini est bien vu des milieux conservateurs et mal vu des communistes, mais La dolce vita va inverser la situation.

Malgré cette réaction politique en Italie, l'époque est aux bouleversements politiques et moraux : on voit émerger à l'international les figures de Kennedy, Khrouchtchev et Jean XXIII. Tullio Kezich parle de « seconde libération », une libération des mœurs après la libération militaire de 1945. La dolce vita est le signe annonciateur de cette libération.

Toujours est-il que la censure est encore bien là : La dolce vita est saisie, coupée et remise en circulation en 1960 en même temps que Rocco et ses frères de Luchino Visconti, Les Adolescentes d'Alberto Lattuada et Ça s'est passé à Rome de Mauro Bolognini. L'avventura de Michelangelo Antonioni est saisie, puis remise en circulation sans coupure. À sa sortie en Italie, La dolce vita est interdite aux mineurs de 18 ans ; il en sera de même en France. L'Espagne, sous la coupe de Franco jusqu'en 1975, ne pourra pas voir le film avant 1981.

Le néoréalisme

Le néoréalisme, au cinéma, est un mouvement qui s'étale selon les critiques de 1943 au milieu des années 1950, ou au début des années 1960. Il présente le quotidien tel qu'il est, en adoptant une position moyenne entre scénario, réalité et documentaire, et en utilisant les « gens de la rue » à la place d'acteurs professionnels, en romançant en quelque sorte la « vraie vie ». La pénurie de moyens pour les films hors de la ligne fasciste, puis pour tous les films après la Libération, contraint à tourner dans la rue. Les studios de Cinecitta abritent des réfugiés, la pellicule manque. Les longs métrages s'acclimatent aux lieux authentiques : cela devient une sorte de code stylistique du néorealisme qui va puiser dans ces contraintes, réelles ou apparentes, une incontestable qualité de vérité.

La collaboration entre Fellini et Roberto Rossellini, un des maîtres du néoréalisme, est déterminante. Rosselini propose à Fellini de participer au scénario de Rome, ville ouverte (1945). En 1946, Fellini est son assistant sur le tournage de Païsa. Rosellini fait jouer Fellini dans L'amore (1948) et l'associe au scénario des Onze Fioretti de François d'Assise. Fellini collabore aussi avec d'autres réalisateurs du néoréalisme, notamment Alberto Lattuada, qui lui confie la mise en scène, puis la réalisation avec Les Feux du music-hall (1950). Fellini continue en réalisant ses propres films : Le Cheik blanc (1952), Les Vitelloni (1953), La strada (1954), Il bidone (1955), Les Nuits de Cabiria (1957). Tous ces films appartiennent à la veine néoréaliste.

Avec La dolce vita, Fellini passe, selon Serge July, « du néoréalisme au réalisme visionnaire, comme il passera ensuite du réalisme visionnaire à l'onirisme ». Pour Edouard Dor, « avec ce film, Fellini abandonne le néoréalisme et l'utilisation de décors naturels en faveur d'un subjectivisme prononcé et les tournages en studio». Pour Dominique Delouche, l'assistant de Fellini, le passage au studio et à la réalité inventée constitue un retour à son passé de dessinateur caricaturiste14. Pour Alberto Moravia, La dolce vita emprunte aux différentes veines, en fonction des besoins : « Du point de vue stylistique, La dolce vita est très intéressante. Bien qu'il reste en permanence à un haut niveau expressif, Fellini semble changer de manière en fonction du sujet des épisodes, dans une gamme de représentations qui vont de la caricature expressionniste au néoréalisme le plus sec. »

Production et réalisation

La dolce vita est une coproduction italo-française. Le film est tourné entre le printemps et l'été 1959.

Dino De Laurentiis, le producteur initial, avance 70 millions de lires. Néanmoins, un désaccord provoque la rupture, et Fellini doit chercher un autre producteur, qui puisse rembourser l'avance de Dino De Laurentiis. Ce sont finalement Angelo Rizzoli et Giuseppe Amato qui sont retenus. Giuseppe Amato, enthousiasmé par l'idée d'un film dont le cadre est la via Veneto, insiste pour que le film s'appelle Via Veneto. Angelo Rizzoli, lui, n'aime pas ce film ultramoderne, mais se laissera convaincre par Amato.

Les rapports entre Fellini et Rizzoli sont courtois et restent cordiaux, même si le budget est un peu dépassé. L'un des postes dont le coût est le plus important est la reconstruction de la via Veneto en studio. Selon le critique et biographe Tullio Kezich, le coût de ce film, qui rapportera plus de 2 milliards de lires en quelques années, n'aurait pas dépassé 540 millions de lires, un budget raisonnable pour ce type de film.

Scénario

Fellini avait imaginé en 1954 une suite de son film Les Vitelloni, sous le titre Moraldo in città (« Moraldo à la ville »), qui n'a jamais été tournée, mais constitue la graine d'où germera La dolce vita. La décision au printemps 1958 de relancer le projet vient de Dino de Laurentiis, qui juge encore bon le scénario, qui dort dans un tiroir depuis avant le tournage de La strada. À l'origine, Marcello devait donc s'appeler « Moraldo », comme le personnage des Vitelloni, qui quitte sa province pour aller à Rome à la fin du film.

Federico Fellini, Tullio Pinelli et Ennio Flaiano ont écrit le scénario ; on retrouve ces trois noms au scénario de presque tous les films de Fellini entre Les Feux du music-hall (1950) et Juliette des esprits (1965). Tullio Pinelli et Federico Fellini se sont rencontrés en 1946 et ont déjà collaboré à de nombreux scénarios, comme celui du Miracle, le second segment de L'amore de Roberto Rossellini (1948). Ennio Flaiano connaît lui aussi Fellini depuis longtemps, 1939, puisqu'il contribue au journal Omnibus à l'époque où Fellini travaille pour le Marc'Aurelio. Bien qu'ayant collaboré au scénario de La dolce vita, Pier Paolo Pasolini ne figure pas à son générique : il fait partie des nombreuses personnes auxquelles Fellini demande leur avis, leur faisant faire un tour dans sa voiture et ne les libérant que lorsqu'il a obtenu la réponse à ses problèmes. Brunello Rondi aide à la définition du personnage de Steiner.

Un des motifs de la rupture entre De Laurentiis et Fellini est le scénario, que le producteur trouve trop chaotique. Par ailleurs, il veut faire disparaître le personnage de Steiner, en particulier à cause de l'assassinat de ses propres enfants, élément qu'il juge malsain. De Laurentiis transmet le scénario à Ivo Perilli, Gino Visentini et Luigi Chiarini, qui tous trois donnent un avis négatif.

Comme souvent dans les réalisations de Fellini, le scénario, provisoire, subit des métamorphoses importantes au fil de l'œuvre, et se remodèle autour des personnages et des situations. Deux scènes, complètement absentes du scénario original, sont complètement « improvisées » : la fête des nobles au château et le « miracle » des enfants, au milieu d'une foule de croyants, de forces de l'ordre et de militaires. Le critique de cinéma Tullio Kezich rapporte que Fellini s'oppose à la publication du scénario, justement parce qu'il reste bien peu de choses du document original. Fellini affirme que le film ne trouve sa physionomie que sur l'écran, mais se laissera néanmoins convaincre par l'argument que le scénario est intéressant justement parce qu'il montre la base de départ du travail du réalisateur.

Le récit est agencé en grands blocs autonomes. Pour Jean Gili, La dolce vita est un film charnière, par l'abandon de la narration linéaire au profit d'une mosaïque, qui ne prend de sens que lorsqu'elle est envisagée dans son ensemble. Fellini dit : « Il faut créer une sculpture à la Picasso, la casser en morceaux et la recomposer selon notre caprice. »

Scènes

Les différentes scènes sont tirées de la réalité. Fellini dit : « Mes collaborateurs et moi-même n’avons eu qu’à lire les journaux pour trouver des éléments de documentation passionnants ».

La scène d'introduction, qui présente une statue du Christ transportée en hélicoptère, reproduit un reportage de la RAI du 1er mai 1956, où des statues avaient été transportées en hélicoptère à Milan pour y être restaurées. D'après l'historien Julien Neutres, le passage de la figure sacrée dans les nouveaux quartiers en construction de Rome fait allusion à des scandales immobiliers qui avaient impliqué la société immobilière du Vatican.

Au début du film, Marcello et Paparazzo volent des images à des convives qui se rebiffent, comme le reporter romain Tazio Secchiaroli, qui se fit agresser le 14 août 1958 par l'ex-roi Farouk, alors qu'il le mitraillait de flashes.

Julien Neutres explique que la scène de la fontaine s'inspire d'un reportage photographique de Pierluigi Praturlon dans la Rome antique. Anita Ekberg s'était blessée au pied, et Pierluigi Praturlon l'avait fait poser, en robe blanche, le pied nu dans la fontaine de Trevi pour se soulager, puis entièrement avancée dans le bassin de la fontaine ; les photos en seront publiées dans Tempo illustrato en août 1958. Tullio Kezich remarque que cette scène en rappelle une autre : en 1920, pendant leur lune de miel, Zelda Fitzgerald se jette dans la fontaine de l'Union Square à New York, et Scott, pour en faire autant, sautera dans celle de l'hôtel Plaza4.

L'épisode du faux miracle s'inspire d'un reportage de Tazio Secchiaroli de juin 1958, sur l'apparition de la Madone à deux enfants dans une localité proche de Terni. Secchiaroli participe au tournage de la scène du faux miracle et dit que l'atmosphère de cet épisode est proche de celle qu'il a vécue lorsqu'il est arrivé dans cette petite localité d'Ombrie.

Le meurtre par Steiner de ses propres enfants, suivi par son propre suicide, est imaginé par le scénariste Tullio Pinelli. Celui-ci a été à l'école avec Cesare Pavese, et avait été touché par sa fin tragique.

L'épisode de la fête dans la villa au bord de la mer s'inspire sans doute de l'affaire Montesi. En 1953, le corps de Wilma Montesi, âgée de 21 ans, est découvert sur la plage d'Ostie. On pense qu'elle a été tuée lors d'une orgie dans une propriété aristocratique proche. Une des personnes apparues dans l'enquête est Piero Piccioni, le fils du ministre des Affaires Étrangères Attilio Piccioni. Pendant le procès, qui débuta en 1957, des faits de drogue, de fêtes et d'escapades sexuelles ont filtré dans la presse.

Le strip-tease de Nadia fait allusion à un strip-tease de l'actrice turque Aïché Nana au restaurant Rugantino du Trastevere en 1958, au milieu de la jet-set, scandaleux à l'époque et immortalisé par des photos de Tazio Secchiaroli et d'autres reporters.

La scène du monstre marin évoque un fait divers : un horrible poisson d'une espèce inconnue s'est échoué sur la plage Miramare de Rimini au printemps 1934. Federico Fellini en fait un dessin, publié par la Domenica della Corriere le 23 avril 1934.

Deux épisodes prévus dans le scénario ne figurent pas dans le film:

  • Un de ces épisodes présente une fête sur des hors-bords à Ischia, qui se termine de façon tragique, une jeune fille étant brûlée vive à cause d'une fuite de gazole d'un des hors-bords. Cet épisode est mis de côté avant même le début du tournage du film, même si l'idée plaisait beaucoup à Fellini, car le producteur Rizzoli avait un faible pour l'île d'Ischia. Le réalisateur n'a pas voulu tourner un épisode très onéreux, et la fin de la jeune fille brûlée aurait atténué le tragique de la mort de Steiner.
  • L'autre épisode, resté inédit, montre Marcello faisant lire son roman à Dolorès, une écrivaine. Cet épisode coupé par Fellini fait doublon avec le personnage de Steiner. Les difficultés du contrat avec Luise Rainer, qui devait interpréter Dolorès, ont fini par convaincre Fellini de couper cette séquence.

Une fin alternative a aussi été tournée. Dans celle-ci, à la sortie de la villa des fêtards, Marcello ivre est laissé seul par les autres participants. Si Fellini avait monté cette fin, il aurait dû supprimer la rencontre entre Marcello et Paola, qui n'aurait plus eu de sens.

Personnages

Tous les épisodes figurant dans le film ont été inspirés au cinéaste par des faits et des gens réels.

Marcello

Pour Serge July, Marcello est un journaliste « people » en crise existentielle. Il erre de fête en fête, de femme en femme. Entre ses frasques et ses articles futiles, il rêve de littérature et d'art. Selon Tullio Kezich, « il aime et déteste à la fois le milieu dans lequel il vit, il est juste assez déraciné pour manquer se perdre à chaque instant, et juste assez sensible pour avoir de brusques sursauts » ».

Les critiques voient généralement en Marcello un « double » de Federico Fellini. Selon Àngel Quintana, « L'identification n'est pas totale, mais, malgré le décalage, il est évident qu'il y a quelque chose de lui dans ce Moraldo débarqué à Rome à la fin des années trente, poussé par le désir de découvrir les plaisirs occultes de la capitale».

Alessandro Ruspoli, dit « Dado », roi de la « dolce vita » romaine, a par ailleurs été une source d'inspiration pour Federico Fellini.

Enfin, selon Fellini, le personnage de Marcello s'inspire aussi d'un journaliste, Gualtiero Jacopetti, lequel, venu de la presse à scandales, réalisera ensuite des documentaires-choc, les fameux mondos.

Paparazzo

Le mot paparazzi (désignant les photographes de presse qui ont pour domaine de prédilection la vie privée des célébrités) trouve son origine dans le film La dolce vita. En effet, le héros Marcello est souvent accompagné d'un jeune photographe du nom de Paparazzo (joué par Walter Santesso). C'est de ce nom que dérivera par la suite le mot paparazzi, pluriel de paparazzo en italien. Le personnage du jeune photographe avait entre autres été inspiré de Tazio Secchiaroli (1925-1998), un des plus grands photographes italiens du xxe siècle.

Il existe diverses théories sur l'origine exacte du prénom Paparazzo. Selon la première, véhiculée par Robert Hendrickson dans son livre Word and Phrase (Mot et Phrase en français), le réalisateur Federico Fellini se serait inspiré d'un mot provenant d'un 

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Sources: wikipedia.org

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